Gérer la fatigue pendant l’apprentissage de la médecine

Télécharger en PDF

La fatigue liée au manque de sommeil représente l’un des défis majeurs de l’externat et de la résidence. Bien que ce risque soit officiellement reconnu et géré dans des industries comme l’aéronautique, le nucléaire et les transports, on a tendance à le minimiser, voire à l’ignorer, dans le domaine de la santé, que ce soit durant la période d’apprentissage ou une fois en pratique. Cela s’observe aussi dans notre vie personnelle : nous réduisons souvent notre temps de sommeil pour effectuer des tâches, étudier, sortir ou nous détendre.

La vérité sur le sommeil

On peut supposer que le corps finit par s’acclimater aux horaires atypiques et aux nuits écourtées, mais en réalité, ce n’est pas le cas. Les besoins en sommeil sont déterminés par des facteurs génétiques, ce qui signifie que ni l’entraînement, ni l’habitude, ni la motivation ne pourront les modifier.

Pour être en santé, un adulte a besoin de six à dix heures de sommeil par 24 heures, soit environ huit heures par nuit en moyenne. Dormir cinq heures est considéré comme insuffisant par les experts et entraîne un déficit de sommeil. Si l’on accumule une dette de sommeil, les effets délétères seront aussi cumulatifs.  

Connaître ses besoins

Voici les premières questions à se poser : de combien d’heures de sommeil ai-je besoin pour me sentir reposé, et combien en ai-je en réalité?

S’il y a un écart entre les deux, et qu’il se creuse au fil du temps, il faut s’attendre à ce que la performance au travail s’en ressente.

Des répercussions importantes

  1. La première conséquence observable du manque de sommeil est la détérioration de l’humeur. Celle-ci est marquée par une irritabilité et une émotivité accrues, ainsi que par une capacité d’empathie diminuée. Il devient plus difficile de maîtriser nos émotions, ce qui peut envenimer nos relations avec les autres.
  2. Par la suite, nos facultés cognitives s’affaiblissent. Notre attention baisse, ce qui entraîne des oublis et des pertes de mémoire. Puis, notre capacité à résoudre des problèmes est atteinte à son tour. Notre pensée devient rigide et circulaire, et notre cerveau tend à négliger des informations pourtant cruciales.
  3. Si le manque de sommeil perdure, nos aptitudes de raisonnement et de jugement seront touchées. Pour des médecins en formation qui s’attellent à leurs premières tâches cliniques, ces répercussions ne sont pas à négliger.  

Reconnaître et évaluer son propre risque

Pour bien gérer le risque de la fatigue liée au manque de sommeil, il est essentiel de pouvoir en reconnaître les signes. En plus de ceux liés à l’humeur et aux fonctions cognitives mentionnés plus haut, voici d’autres signes à surveiller :

  • Somnolence en après-midi ou besoin de caféine pour terminer sa journée
  • Somnolence pendant les cours, au cinéma, dans le transport en commun, etc.
  • Oubli des notions étudiées la veille, besoin de revérifier son travail
  • Mauvaise coordination, propension aux accidents
  • Difficulté de concentration, ralentissement cognitif
  • Distraction au volant, empiétement sur l’accotement ou la voie inverse
  • Endormissement dès que la tête touche l’oreiller (le temps de latence normal avant l’endormissement est de 10 à 20 minutes)

Soulignons que notre capacité à nous autoévaluer n’est pas la même en situation de déficit aigu et en situation de déficit chronique. Lorsque le déficit est chronique, non seulement nous ne reconnaissons pas les signes (car nous commençons à les tolérer), mais nous avons tendance à surévaluer notre performance cognitive par rapport à notre réelle performance.  

Des stratégies pour protéger son sommeil

1- Acquérir de bonnes habitudes

  • Connaître et respecter ses besoins de sommeil
  • Respecter un horaire régulier lorsque possible
  • Avoir une routine présommeil
  • Dormir dans un endroit frais, sombre et calme
  • Faire de l’exercice sur une base régulière1
  • Limiter l’exposition aux écrans avant le coucher
  • Consommer de la caféine de manière stratégique et éviter les excès
  • Limiter sa consommation d’alcool2

1 En plus de tous ses bienfaits connus, l’activité physique améliore la qualité du sommeil.

2 L’alcool est souvent utilisé à tort comme « sédatif ». Même consommé en quantité faible, l’alcool perturbe le sommeil et en réduit la qualité.

2- Prévenir le déficit de sommeil

  • Prévoir au moins deux nuits prolongées pour récupérer d’une garde
  • Dormir davantage avant une période anticipée de manque de sommeil
  • Utiliser les lendemains de garde pour dormir
  • Consommer de la caféine en première moitié de nuit seulement pour éviter de faire de l’insomnie une fois la garde terminée
  • Optimiser son sommeil de jour en obscurcissant la pièce et en limitant le plus possible le bruit
  • Faire des siestes
    • Avant une garde de nuit : permet d’augmenter la vigilance et la performance
    • Après une période de travail prolongée : permet de compenser un déficit de sommeil
    • Pendant le travail : limiter les siestes à 30 ou 40 minutes permet d’éviter l’inertie postsommeil (somnolence excessive lorsqu’on se réveille durant une phase de sommeil profond) 
    • En dehors du travail : une sieste de 2 heures permet de bénéficier d’un cycle complet de sommeil

En somme, le sommeil est absolument nécessaire pour la récupération physique et cognitive. C’est un pilier de la santé que nous avons avantage à prioriser au même titre que l’exercice ou une saine alimentation. Si la fatigue ne peut être éliminée durant la résidence, elle peut certainement être mieux gérée. C’est une responsabilité partagée dont il faut tenir compte dans l’organisation du travail, pour le bien-être des étudiants, des résidents et des patients.